mardi 13 janvier 2009

Nouvelle n°1 : En créole, nous disons : « Rêle dos »...

Il y avait longtemps, très longtemps, Ti Jean vivait modestement avec sa maman dans un carbet au fond de la forêt. Un soir de ses vingt ans, il dit à sa mère : - J’ai bien réfléchi, je vais te quitter pour aller chercher à mieux vivre. Je te laisse un abattis bien planté, un poulailler bien pourvu, tu seras à l’abri du besoin. Je reviendrais, sois sûre. Et nous vivrons mieux. Sa maman lui répondit : - Va mon fils, que le bon Dieu te bénisse. Et lui cracha dans la main. Ti Jean s’arracha des bras de sa mère et s’en alla. Il marcha, marcha, jour et nuit et arriva dans un pays qui ne lui était pas connu. Instinctivement, il se dirigea vers la seule habitation, étrangement isolée, frappa à la porte. Enfin, la porte s’entrouvrit. Une voix angoissée lui dit : - Va ton chemin et vite.
Ti Jean retint la porte qui se refermait sur lui et pénétra de force dans la maison. - Vas ton chemin, lui cria la fille, ta vie est en danger. - Je n’ai peur de rien, répliqua Ti Jean. Arriva la mère atterrée, elle ne put qu’entraîner le jeune homme dans une cachette au fond de la cour. Chacun se terra. Il y eut un grand galop, un homme effrayant d’aspect, les yeux brillants, les narines dilatées, apparut.
- Femme, femme, cria t-il, je sens de la chair fraîche que je dévorerai ou ce sera une de vous. Je rentre sans avoir rien trouvé comme gibier humain. Je repars ce soir même, car je sens que vous m’avez fait une réserve dans le cachot. Elles le cajolèrent si bien qu’il s’endormit pour se réveiller et repartir en chasse. Très tôt donc le lendemain matin, il s’en fut. Ti Marie qui n’avait presque pas dormi de la nuit, alla tirer Ti Jean de son sommeil. - Sauvons nous car une mort atroce nous menace. Il nous faut fuir sans tarder. - Dans l’écurie proche, détache la plus vieille bête que tu verras, jette lui sur la tête cette couverture et attends moi près de la sortie. Pendant ce temps, elle alla faire ses besoins aux quatre coins de la cour. Elle rejoignit Ti Jean et en scelle, tous les deux, s’enfuirent à toute allure. En chemin, la fille découvrit la monture et faillit mourir de rage Ti Jean par précaution avait choisi la bête la plus fringante d’aspect, mais moins rapide. Nous sommes perdus, mon père pourra nous rattraper facilement. Mais heureusement, j’avais prévu le pire. En effet, dès son retour, le père, sans butin, décida de puiser dans sa réserve. Voyant les hésitations de sa femme, il comprit tout. Après l’avoir menacée de mort, il courut à l’écurie, où il constata qu’il manquait une bête. Un large sourire de satisfaction éclaira sa face bestiale. Son vieux cheval, le plus efficace restait en place. Il se mit en selle, s’arma d’un harpon et dans la cour, creusa un trou dans la terre. D’un coup jaillit du sang où la fille avait fait des besoins. Sûr de lui, l’homme fonça rageusement sur les traces de sa proie. Ses fuyards avaient parcouru du chemin. Lorsque Ti Marie reconnut qu’elle ressentait une chaleur dans son dos, son compagnon aussi, c’est que mon père se rapproche de nous et va nous rattraper. D’un panier qu’elle tenait avec précaution, elle sortit un œuf qu’elle brisa sur le sol. Aussitôt, ils se virent transformés en une mare où deux canards barbotaient tranquillement. Le moment d’après, leur poursuivant arrivait sur les lieux, certain de mettre la main sur les fugitifs. Le spectacle paisible des tranquilles oiseaux n’éveilla en rien son attention. Il crut avoir choisi trop précipitamment son premier chemin et revint à la maison pour de plus amples informations. Sa femme hébétée lui répéta n’être pour rien dans l’affaire. Mais effrayée s’il revenait bredouille du sort qui lui serait réservé, lui fit comprendre qu’il s’était fait prendre. La mare était le cheval, les deux canards, les fuyards. L’homme reprit sa poursuite forçant l’allure de son coursier. Pendant ce temps, Ti Marie avait brisé le deuxième œuf et redevenus eux-mêmes. Ils avaient repris leur course échevelée. Ils allaient bon train lorsque de nouveau, ils eurent la même sensation de chaleur presque insupportable cette fois. Ti Marie pensa que c’était leur dernière chance et que leur adversaire ne se laisserait pas abuser. Elle brisa donc le dernier œuf, leur ultime espoir d’être sauvés ! Et quand presque persuadé de les atteindre l’ogre déchaîné se trouva devant une petite chapelle située en terre bénite qui lui était interdite dont la cloche tintait annonçant la messe. Un prêtre, crucifix en main et aspergeait d’eau bénite s’écria : - Dominusvobuscum, que le seigneur soit avec vous. Le poursuivant lança par deux fois la main en vain pour attraper l’une et l’autre, victimes déjà réfugiées, sanctifiées et sauvées en terre divine. - Et c’est pourquoi, depuis les hommes et les femmes portent cette fente dans le dos. - En créole, nous disons : « Rêle dos » En compagnie de Ti Jean avec Ti Marie rejoignit sa mère et vécurent ensemble heureux.

3 commentaires:

Thandiesays a dit…

J'aime beaucoup...et maintenant, d'autres contes svp...

Anonyme a dit…

Continue sur ta lancée miss,
CFH

awara a dit…

Très bon blog, une autre nouvelle viiite!!